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Et si on s'écrivait !
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Auteurs invités

Thomas Bouvier
Corinne Desarzens
Christophe Gallaz
Daniele Maggetti
Jérôme Meizoz
Frédéric Pajak
Yves Rosset

  Vents de Saint-John Perse : lecture de Jacques Roman

La Matière-Souffle saisie par la Forme-Parole

J'entends déjà la question : Pourquoi nous envoyer cent-dix pages et quelques deux-mille cinq-cents vers ? Et encore répondre : je leur envoie des mots parce que je crois voir qu'ils écoutent.

Porter la parole de Saint-John Perse, souffler les "Vents" ce n'est pas à proprement parler mettre en scène mais faire se lever sur la scène ce carrefour, cette énergie que porte en elle-même la parole du poète. Il ne s'agit pas ici de faire l'acteur mais bien, s'étant empli des émotions, des sentiments, des certitudes que le poème suscite, s'étant consciencieusement incorporé ses éléments, les supprimer un à un par négations persévérantes, prendre la matière première de l'émotion poétique dans sa manifestation respiratoire.

René Daumal : "Les mots ne s'imposent à la marée pneumatique des passions que par l'intermédiaire de l'image. Or le chaos lyrique ne se cristallisera en image que sous l'impact d'une énergie extérieure."

Ces dernières lignes, à elles-mêmes, suffisent à définir la vocation dans laquelle je me suis engagé. Lorsque Pierre Starobinski m'a proposé de lire des extraits de "Vents", je suis retourné au sein des pages et là j'ai entendu se lever cette chair en mouvement inspirée par l'aventure du mouvement. L'entreprise peut paraître folle. Elle l'est. Elle est certes de démesure. Ce mot prononcé, je citerai Edouard Glissant dans sa préface à Saint-John Perse. La créolité de Saint-John Perse, par Mary Gallagher :

"Nous pouvons approcher cette œuvre comme étant (ou proposant) une mesure de la Démesure. La démesure est du monde, de nos réels enchevêtrés, de nos conflits infinissables, de nos rencontres inespérées : une créolisation. Les paysages se joignent dans ces imprévisibles. Les remous des sables battent du même souffle que les houles de mer. Les humanités s'entendent dans ce fracas de toutes choses. C'est là notre partage, et des poètes l'ont pressenti. Mais à cette Démesure, Saint-John Perse entend apposer une Mesure, qui est celle du souffle humain. Non pas pour contraindre la démesure, mais pour mieux la lire. Obstination du poète à surprendre non pas l'image mais le motif (comme on aurait dit en peinture) d'une telle Démesure.
Nous pouvons aussi concevoir aujourd'hui, pour l'expression artistique, une démesure de la Démesure. Consentir au démêlé du monde, aux traces non régulées par où nous vivons. Ce serait là l'ébauche d'une autre poétique, aventureuse et fragile, dont l'œuvre de Saint-John Perse aura été, par antinomie, l'annonce flamboyante et irrécusable."

Sur la scène un anneau de lumière. En son centre, son ombre, une femme (ou est-ce un oiseau? Est-ce un arbre?) A quelques pas, de la poussière sous le pas, un homme, un livre, une voix.

Jacques Roman, mars 2004